Genèse et récit de cette création par l’auteure, Lydie Georges
C’était une première ! Une première pour moi, qui ai imaginé une installation dans une ancienne usine, et dans une « bulle » de plastique, et une première pour l’association Les arroseurs, qui a conçu et réalisé un festival mêlant arts visuels, théâtre, danse et musique, dans un ancien site industriel, l’usine CIAT de Belley, samedi 28 mai : ARTZÉBOUILLES FAIT DES HEURES SUP.
La bulle appartient à un bénévole des arroseurs. Il propose de la prêter pour l’occasion. Les arroseurs imaginent un morceau de nature préservée dans ce lieu qui ne lui laisse habituellement aucune place.
L’association me demande si je souhaite proposer une réalisation de Land Art pour leur événement.
Je n’ai pas l’habitude de ce genre de site, qui ne se prête pas facilement au Land Art, mais c’est justement le challenge qui me pousse à dire oui ! Et puis l’apparent antagonisme entre le milieu industriel et le milieu naturel m’inspire… la visite des lieux me le confirme. D’une part la signalétique au sol, avec ses rayures obliques et ses pictogrammes peints en jaune, alerte le piéton sur les multiples dangers qui le guettent ici, sur les espaces qui lui sont réservés pour circuler… Le sol dit partout « Attention, danger ! ».
Dans la bulle, je n’imagine pas un morceau de nature prélevé à l’extérieur et exposé ici comme « sous une cloche », telle une pièce de musée fragile. J’ai plutôt envie de faire dialoguer la nature avec le lieu. De dire « Attention, nature ! ». La nature entre dans l’usine… la côtoyer, c’est prendre le risque de la laisser libre de se répandre, de nous laisser aspirer en elle, de perdre le contrôle… et de retourner à notre état originel, refaire corps avec elle.
Le graphisme que j’imagine, les rayures obliques du sol redessinées en mousse naturelle, évoquera ce message, mais, déployé sur un bureau de l’usine, pourra aussi évoquer un autre sens : « Attention, lieu industriel interdit à la nature ».
En face de la bulle, se trouvent deux petits bureaux. Il reste dans l’un deux un bureau avec tiroirs, une vieille chaise à roulettes, une armoire en métal. Et une photo scotchée à une vitre donnant sur l’usine. C’est un tirage standard qui représente un paysage : une plage, la mer, un ciel gris. Ce n’est pas une belle photo, pas vraiment réussie. Je sais qu’elle a été mise ici par l’occupant(e) du bureau, qui devait être enfermé(e) du matin au soir dans cet espace réduit dont les fenêtres ne permettent même pas de voir un morceau de ciel, uniquement l’usine et son contenu. J’imagine qu’il ou elle devait avoir rudement besoin de nature ! Cette photo, c’était comme une fenêtre, par laquelle son esprit pouvait s’envoler un instant dans un souvenir de nature apaisant et bienfaisant.
Il me paraît alors évident que ce bureau doit devenir le contraire de ce qu’il a toujours été : il doit devenir un lieu de nature, d’une nature qui à l’origine était déjà là, avant l’usine, qui a été chassée par l’homme, mais qui a fini par y retrouver ses droits.
L’installation devait être prête pour la veille de l’événement, et tenir jusqu’au surlendemain. La mousse, qui garde sa couleur après séchage, était donc le matériau tout indiqué, tout comme le lierre qui a une bonne tenue après avoir été coupé.
Il fallait d’importantes quantités de mousse… J’ai fait appel aux bénévoles pour la récolte, en donnant des consignes sur le type de mousse à récolter, et sur des règles de respect de l’environnement à observer : ne pas tout prélever sur le même site, déloger les insectes et autres invertébrés de la mousse pour les laisser dans leur milieu…
Une photo de forêt humide envahie par la mousse sera exposée dans le bureau et dans la bulle, dans un cadre, éclairée par une lampe de bureau, comme si nous étions l’ouvrier ou l’ouvrière qui rêve de nature, comme si nous gardions tous un souvenir de la nature, avant l’usine… Mais une autre nature semble se développer sur ce lieu abandonné un temps par l’homme.
Deux jours de montage ont été nécessaires pour la réalisation de l’installation, avec l’aide de plusieurs bénévoles. Le propriétaire de la bulle a également prêté de belles fleurs artificielles, utilisées pour donner au bureau une allure de folle exubérance.
Le dernier jour du montage, un titre m’est apparu. En décrivant le projet à un journaliste, cela lui évoque la zone de Tchernobyl et l’importante vie sauvage qui s’y trouve aujourd’hui.
L’installation s’appellera donc « ZONE CONTAMINÉE ».
Le spectateur pourra y voir, selon sa sensibilité et ses envies, une contamination de nature dans l’usine, ou une contamination industrielle, à laquelle la nature s’adapte…
Un grand MERCI aux Arroseurs de m’avoir offert cette opportunité de création, aux côtés d’expositions de grande qualité !
Ci-dessous, un time lapse sur l’installation de la bulle, et les photos de celle-ci et du bureau.